mardi 25 novembre 2008

Le Phalanstère du Bout du Monde - Corbeyran, Bouillez

Je n'attendais rien de cette bande dessinée que j'ai empruntée à la médiathèque de ma ville. J'étais en retard, je voulais de la lecture, j'ai attrapé au hasard à la lettre C (Corbeyran), Le Phalanstère du bout du monde.
Jean, un enfant timide, est envoyé par ses parents au Phalanstère, un pensionnat isolé sur une île, lugubre, accessible seulement une fois par an, selon certaines marées. Les règles de ce pensionnat sont violentes, inhumaines, décalées. Jean doit y faire face, et son innoncence n'y survit pas.

Cette bande dessinée est servie par un scénario époustouflant et un dessin noir, expressif, au croisement de l'onirisme et de l'horreur. Impossible de rester indifférent!

vendredi 21 novembre 2008

La Brave Anna - G. Stein

Dans ce court récit Gertrude Stein expose la vie de la Brave Anna. Bouillonnante, décidée, jouant avec sa vie et sa santé pour le principe d’un service modèle (elle a une forte conscience de la manière dont doit se comporter un domestique), elle dirige d’une main de fer la maison d’une Miss Mathilde qu’elle adore. Tout au long du livre, nous suivons avec un mélange de fascination et de regret, le quotidien et le destin de cette tempétueuse gouvernante, dont nous sentons bien qu’elle passe à côté de sa vie.

L’écriture sobre, neutre mais incisive, m’a emportée et furieusement donné envie de découvrir les autres œuvres de Gertrude Stein.

La Brave Anna, Gertrude Stein, Folio

mercredi 19 novembre 2008

L'agrume - V. Mréjen

L’agrume, c’est le surnom que se donne Bruno – et c’est un titre bien trouvé pour un livre donnant à voir la relation acide qu’il entretient avec la narratrice, une certaine Valérie Mréjen. Si lui est pédant, distant et assez manipulateur, la jeune femme se distingue par sa naïveté et sa passivité : « Je serais d’accord sur tout. Il n’en reviendrait pas d’avoir trouvé une personnalité pareille. »

Valérie Mréjen livre des anecdotes rédigées dans un style lapidaire. Sans vraiment s’impliquer, elle rapporte les petits évènements, les phrases-types de leur couple. Parfois l’ironie remonte à la surface : « Dans un café, pour commander la même chose que quelqu’un, il ne disait jamais « pareil » ni « moi aussi ». Il sautait sur cette occasion pour réfléchir sur le réel. Quelqu’un : Un café !Bruno : Le même, mais un autre. »

Le lecteur se retrouve catapulté dans les pensées de Valérie et donc impliqué dans ce couple bancal - et presque fasciné par lui. L’auteur décortique cette relation amoureuse par petites touches, qui peu à peu forment un dossier à charges, contre Bruno d’une part, mais aussi contre elle-même.

L’agrume fait partie d’une série de trois livres consacrés aux hommes : les deux autres sont des portraits du père (
Eau sauvage) et du grand-père (Mon grand-père). Ils sont regroupés dans Trois quartiers, aux éditions J’ai lu.

L'agrume, Valérie Mréjen, éditions Allia

samedi 15 novembre 2008

Meurtre au kibboutz - B. Gour

En Israël, les kibboutzim sont des communautés vivant en vase clos, fondées après la Shoah, et qui tirent généralement leurs revenus de l’agriculture. Elles tentent l’impossible : parvenir à l’égalité parfaite entre les membres de la communauté. Les enfants sont élevés à l’identique, tous ensemble. Chacun travaille pour la communauté, qui répartit ensuite ses richesses équitablement. L’inspecteur Michaël Ohayon peut le demander à tout le monde : le kibboutz, c’est comme une grande famille. Le groupe passe avant les individus, chacun agit dans l’intérêt de tous et personne ne ferait de mal à personne. Pourtant, la belle Osnat a bien été empoisonnée volontairement…

De nombreux personnages se croisent, tour à tour sûrs d’eux, déphasés ou en colère, mais personne ne dit rien. Cette enquête, qui s’annonce difficile, permet à son auteur de mettre subtilement en scène les interrogations que suscite ce mode de vie. Le tout dans un livre impossible à refermer, dont les pages se tournent d’elles-mêmes.

Meurtre au kibboutz, Batya Gour, Folio policier

mercredi 12 novembre 2008

Le neveu d'Amérique - L. Sepulveda

On connaît Luis Sepùlveda pour avoir écrit Le Vieux qui lisait des romans d'amour, livre au titre trompeur. Dans le neveu d'Amérique, construit à partir de ses carnets personnels, l'écrivain chilien se met lui-même en scène.

Le grand-père de Luis, anti-clérical à souhait (dont la personnalité annonce les individus improbables à venir) fait promettre au "petit" d'aller un jour à Martos. C'est le point de départ d'un grand voyage improvisé dans toute l'Amérique latine, dominé par le hasard, le danger et les rencontres. Et c'est presque sans s'en rendre compte que le narrateur finit par trouver Martos, terre d'origine de son grand-père émigré.

La diversité de anecdotes en fait un récit passionnant, portrait d'une Amérique latine rugueuse et étonnante, mais aussi d'un Luis apprenant le métier d'homme. Sepùlveda écrit une communauté d'hommes jamais résignés, qui savourent chaque instant et sourient à l'absurdité du monde.

Le neveu d'Amérique, Luis Sepùlveda, Points

lundi 3 novembre 2008

Faute de parler - Allain Glykos

Nous aimons la mère d’Alexandre, et la mère d’Alexandre est morte. Comme lui, nous apprenons à vivre sans elle. Pas de lyrisme, pas de mélodrame sur ce sujet douloureux par excellence. Pas de description non plus des derniers jours, de la déchéance physique imposée par la maladie. Non, aucune de ces choses. Juste des mots, des questions, une description distanciée des premiers pas dans l’absence. Des souvenirs aussi, et en parallèle, la souffrance d’un peuple. Allain Glykos écrit sa propre douleur, elle devient la nôtre.

« C’est mon premier premier janvier sans ma mère, Lena. Durant un an, chaque jour sera un premier jour sans ma mère. Premier printemps, premier Lundi de Pâques, première cerise, premier anniversaire. Elle n’appellera pas. Bon anniversaire mon grand. Et Alexandre passerait parce qu’elle aurait un petit quelque chose pour lui. Premier premier mai, avec le brin de muguet qu’elle aurait mis dans un verre de moutarde imprimé d’un personnage de bande dessinée dont elle ne connaissait même pas le nom.»

Les mots d’Allain Glykos nous enveloppent de leur douceur, parfois ils rejoignent tellement notre souffrance qu’ils peuvent faire mal, mais jamais longtemps, jamais sans nous apaiser juste après. De cette écriture, élégante, et surtout sensible, surgissent des images cristallines qui nous suivent tout au long de notre lecture, et nous accompagnent longtemps après la fermeture du livre.

Allain Glykos est publié essentiellement chez l’Escampette. Faute de parler (2005) est le troisième roman d’un cycle sur la famille débuté en 1997 avec Parle-moi de Manolis, puis Le silence de chacun, paru en 2002. Son dernier ouvrage, Aller au Diable, est paru en 2007.