vendredi 24 octobre 2008

La baïne - E. Holder

Sandrine et Julien forment un couple typique du Médoc. Lui travaille pour faire vivre sa famille; c'est l'Ingénieur. Elle, "la femme de l'Ingénieur"; s'occupe de enfants et de la maison. Elle rêve bien d'autres choses, mais son mari sait la remettre "à sa place". Cela pourrait continuer ainsi; mais arrive un jour l'Etranger, parisien et cinéaste. Il s'éprend de Sandrine, qui trouve là l'occasion de troquer son rôle de mère pour celui d'une femme indépendante. Ces trois personnages (le mari, la femme, l'amant) seront menés implacablement à la destruction. Car dans ce village du Médoc, les rares voisins veillent à la morale de tous et à l'honneur de chacun...

Eric Holder donne à ce court roman l'allure d'une légende moderne, laissant penser que le scénario se répète chaque saison. Derrière un beau portrait de femme s'ouvrant au monde, il donne à voir une société fermement convaincu de son droit d'ingérence et broyant les individus.

La baïne, Eric Holder, Points

jeudi 23 octobre 2008

Le jardin aveugle - J. Frame

Vera, concentré d’émotions négatives, en proie à la jalousie, au dépit, à la culpabilité, s’est rendue aveugle à force de volonté. Elle tente de rétablir la communication rompue avec sa fille, Erlene, muette, incapable de parler parce qu’il « n’y a rien à dire, et pas de mots pour le dire ». Dans ce roman à trois voix, Janet Frame nous embarque dans un voyage sensoriel éprouvant, poétique, où sensibilité et folie se mêlent jusqu’à dénoncer d’un seul souffle l’inutilité du langage et l’échec de la communication humaine. L’instabilité guette le lecteur, qui finit lui aussi par se réfugier dans le silence et dans ses rêves, pour ne pas briser la fragilité du lien qui le retient à la vie.

Le Jardin Aveugle vaut la lecture, ne serait-ce que pour l’hypersensibilité et l’âpreté de Janet Frame, dont la puissance artistique s’exprime pleinement tout au long du roman.

Le jardin aveugle, Janet Frame, Rivages Poche

La méthode Mila - L. Salvayre

Comment supporter la dégénérescence de sa mère sous son propre toit sans 1) se jeter par la fenêtre 2) la jeter par la fenêtre ? Voilà la question que se pose le narrateur de ce roman. Sortir de chez lui ? Pour les gens qu'il y a à voir... Alors, c'est du côté de la philosophie qu'il va chercher des solutions. Mais que peuvent Descartes et son célèbre Discours de la Méthode ?

Abreuvé de rationalisme jusqu'à plus soif, et pas mieux portant, le quadragénaire se confie à Madame Mila. Voyante sans don de voyance, cartomancienne sans cartes, elle croit aux vertus de l'invention. En bref : elle lui raconte des histoires. Oui, mais des histoires exotiques, abracadabrantes, exagérément romanesques. Et elle finit par remettre en route le fusible imagination...

Le récit prend la forme d'une lettre adressée à Descartes. N'ayez crainte, Lydie Salvayre est mille fois plus drôle, plus claire et plus foutraque que l'honorable philosophe. Et quelle joie de voir Descartes renvoyé dans ses pénates !

La Méthode Mila, Lydie Salvayre, Points